Lucien Louis Bernard LANTIER

Lucien Lantier    
                                                           Collection musée de Verdun
(cliquer sur les images pour les agrandir)

Peintre de genre

    Lucien LANTIER est né à ODESSA en Ukraine au sud-est de la Bessarabie, la Moldavie actuelle, le 27/7/1879, fils de Louis Auguste Marie Lantier et de Elisabeth Lucie Juliette Romquaud. La famille Lantier est originaire de Chitry les Mines, dans la Nièvre, région du Morvan. Il a une sœur, Marie Sophie Brigitte Lantier qui épousera un certain René Faure à Neuilly.
    Il quitte ses parents en 1889 pour venir faire ses études secondaires comme pensionnaire à Paris dans le prestigieux lycée Janson de Sailly, obtient son baccalauréat en 1897. Parallèlement il est entré à l’école des Beaux Arts de Paris. Il réside à cette période à Neuilly, 2 rue des Huissiers, dans un appartement, propriété de la famille.    
    En 1900, alors âgé de 21 ans, il est appelé sous les drapeaux en France pour son service militaire, qu’il fait à Compiègne, au 54° RI à Compiègne, jusqu’en 1903, il passe caporal le 27 septembre 1901, il est libéré le 21 septembre 1903.
    Il retourne en 1904 à l’École Supérieur des Beaux Arts de Paris (atelier Gabriel Ferrier). Il expose pour la première fois en 1908 au Salon. Très doué pour le dessin, il retourne en 1909, auprès de ses parents, non pas à Odessa, ses parents ayant déménagé, mais en Crimée, à Aloupka et devient l’élève du maître Constandi durant 3 ans.
  Mais l’horizon lui semble trop restreint, il a besoin d’espace, de variété, son talent s’adapte à tous les genres. C'est à cette période qu'il voyage et traverse la Bessarabie, et se plait particuliérement, dans la région du fleuve Prouth, à l'Ouest de la Bessarabie et s'y installe. Il suit le paysan bessarabien aux champs, dans ses travaux et ses fêtes locales, il est séduit par les magnifiques paysages des environs des villages de Milechti, Mereni, et la simplicité des habitants.
   
Il peint de nombreuses toiles, d'une excellente maîtrise, saisissant les traits de caractéres intenses des moeurs paysannes et l'âpreté de la vie dans ces contrées rudes, sa technique remarquable, trés colorée, beaucoup de relief, il peint la vérité de tout ce qu'il voit. En 1919, il présente à Paris, à l'occasion de la conférence de la paix, plusieurs toiles, dont "l'enterrement", "le mauvais présage", "fête de village", "mariage", etc.. dont je posséde les images, parmis les toiles exposées, l'une que je ne cite pas ici, se trouve actuellement en Norvège, une autre à Paris, deux dans des musées d'Europe etc..
   Toute sa vie il a continué à peintre cette Bessarabie, actuelle Moldavie, qu'il a aimé. Il a même peint sa premiére épouse, Héléne, habillée en tenue de mariage traditionnelle roumain.. la toile a été exposée au Salon des Artistes Français en août 1922 et a eu grand succés.


Hélène Lantier en costume roumain
(collection privéee)

 


    Il voyage de Moscou à Petrograd (Saint Pétersbourg), partout il organise des expositions. Une de ses toiles est très remarquée par l’homme le plus riche de l’empire russe et membre de la famille Impériale ; le prince Félix Youssoupof, celui là même qui a assassiné Raspoutine, celui-ci l’introduit à la cour du Tsar Nicolas II où il fit nombre de portraits. Le colonel Rachmaninov, cousin du célèbre compositeur pose pour lui, sa carrière s’annonce brillante.
    .. La guerre éclate, Lucien Lantier est rappelé le 6 août 1914, il quitte tout et rentre en France combattre dans les rangs de nos poilus. Il est d'abord affecté au 61° RI, 2° Cie, à Cosnes sur Loire. Cette unité est d'abord dirigée vers Troyes, pour la régulation du trafic ferroviaire, et fournir des garde voies. Lucien Lantier réintégre le dépôt de Cosnes sur Loire le 28 novembre 1914. Il passe au 229° RI le 9 décembre à la 21° Cie.

      (Son baptême du feu n'a jamais eu lieu à Étain comme le raconte la légende)
. En février 2015 j'ai enfin pu me procurer son dossier militaire.

     En réalité la confusion avec Etain, dans la Meuse, vient du fait que le 229° RI d'Autun, quittant sa ville par le train, celui-ci achemine vers le front Est, les hommes vers .. Conflans-Varigney, en Haute-Saône, et non... Conflans-Jarny, prés d'Etain dans la Meuse.... et de là, le parcours vers le front d'Alsace se fait via Francalmont et Ainvelle, Plombières, Sapois-Menaurupt, Gérardmer, Plainfaing, Saales et Steige dans le Bas Rhin, et rejoint son régiment dans le secteur La tête des Faux. 
   Il fera surtout campagne en Alsace et plus particulièrement au Vieil Armand, en alsacien l’Hartmannswillerkopf.
   Au fond des tranchées il continue à faire des croquis des événements qu’il vit.


Lucien Lantier peignant sur le front à l'HWK en 1915
L.Lantier, en 1915, réalisant une toile pour son capitaine, E.Coron (mort de maladie en novembre 1918)

Alsace HWK 1915
Alsace 1915
(collection privéee S.Sjoberg)

 

A l'ambulance HWK 21 Nov 1915
A l'ambulance HWK 21 Nov 1915
(collection privéee P.Guimmelly)


    Au cours d’une permission il participe à l’exposition des combattants à Paris, l’Etat lui achète trois dessins pour le musée de la guerre; "La manoche", "Les totos", "Le guetteur", puis plus tard 2 autres toiles lui seront encore achetées; "L"Hartmannwillerkopf, le rocher du sommet", et " Nuit à l'Hartmannwillerkopf" de 1915. Puis il est évacué sanitaire en décembre 1915 et finira par aller en convalescence prés de Lyon, à Bourgoin Jallieu jusqu’en juillet 1916. Durant cette période il reprend la peinture et exécute huit œuvres, huiles et aquarelles dont deux représentent des scènes de guerre, souvenirs du Hartmannwillerkopf, il peut réaliser ces travaux grâce au soutien financier de Emile Chapotat, aquarelliste à ses heures, homme de talents multiples, créateur d'une salle de spectacle, La Cigalle, membre du Conseil de Direction de la Caisse d'Epargne, et illustre figure de la vie bergusienne.

                                                              
                                                             Autoportrait du sergent Lantier, au 229° RI en 1915 ( collection privée)

    Il est promu sergent au 229° régiment d'infanterie, le 12 janvier 1915. Il est alors engagé dans la région de Cernay.

     Victime de problémes de santé, et plus particulièrement digestifs, il est évacué le 17 décembre 1915 sur l'hopital n° 24 à Lure (70), il y séjourne du 30 décembre au 29 janvier 1916, c'est là qu'il fait la connaissance de sa future épouse, Hèlène Henry, originaire de la région et infirmiére. Il ne retournera plus jamais sur le terrain, sur son livret militaire est noté clairement: Combattant.. du 9/12/1914 au 27/12/1915..


                                                                                                    HWK 1915
                                                                                                       Hartmannwillerkopf 1915
                                                                                                      (musée de Bourgoin-Jallieu 38)


     Le 29 janvier, il est admis à l'hopital temporaire de Lure, jusqu'au 3 mai 1916, le 4 mai il est arrive en convalescence à l'hopital n° 200 bis, aux Eparres (38) prés de Bourgoin Jallieu, et ce, jusqu'au  15 juillet 1916. C'est là qu'il fera la connaissance  d'Emile Chapotat, aussi créateur et animateur du Foyer du Soldat et qu'il réalisera quelques dessins et toiles qui sont toujours au musée de Bourgoin.. L'hopital de La Combe les Eparres était installé dans l'usine de tissage Giroud et avait 140 lits.
     Durant ce séjour, il s'est marié avec Hèlène, son infirmière, le 23 juin 1916. Puis à l'issue de sa convalescence et d'une permission, il rejoint à Paris, la caserne des Tourelles le 27 septembre 1916 jusqu'au 13 octobre 1916.
     Il ne participera plus à aucun combat. Il rentre à l'hopital mixte d'Autun, toujours pour les mêmes pathologies digestives le 14 octobre 1916 et en sort le 4 décembre. Convalescence de 15 jours, puis retour au dépôt le 21 mars 1917. La commission de réforme de la Seine statue sur son cas, réformé temporaire le 26 juillet 1917, confirmé le 17 août, renouvelé le 28 mars 1918... pour syndrome digestif.     
     Accessoirement durant cette période, en 1917 il aurait été affecté au Grand Quartier Général américain comme dessinateur, mais cela n'a été attesté que par lui même, en réalité étant au 119 éme RI, à l'annexe de Courbevoie, étant réformé temporaire n°1 (..réformés des suites blessures ou maladie contractées en service..), il est libre de ses mouvements et fasciné par l'armée américaine, qui est partout, il croque des dessins du soldat US ou de l'organisation de l'AEF.


Réunion état major américain 1918 sous commandement français..
(collection privée ML)


Le soldat américain 1918
extr. l'art & les artistes 1918







Sentinelle American Expeditionary Force ou AEF 1918
extr. l'art & les artistes 1918





 Soldats américains montant au front,
1918                
          extr. l'art & les artistes 1918


    En 1918 il retourne à Paris, 5 rue des Beaux Arts, et peint sa jeunesse en Bessarabie, en Russie.

Fête au village
Fête au village en Bessarabie
(collection privée F.Lantier)
Cavalier demandant son chemin en Bessarabie 1900
Cavalier demandant son chemin en Bessarabie 1900. (collection privée F.Lantier)
Moujik en Bessarabie
Moujik en Bessarabie
(collection privée F.Lantier)
Pope bénissant des soldats tués, dans la neige.
Pope bénissant bénissant des cadavres de soldats, dans la neige. (Musée de La Rochelle (17)

    Tous ses « souvenirs » sont réunis en une exposition à Paris et sont très remarqués par la délégation roumaine à la conférence de la paix, des photos sont envoyées au roi de Roumanie en 1919. Lucien Lantier recevra la couronne de Chevalier de Roumanie. En 1920 où il exposa au Salon des Artistes Français, il reçut une médaille d’argent puis le Prix Lefèbvre Glaize la même année. En 1921 il recevra une médaille d’or au Salon des Artistes Français.
     Il recevra la Croix de guerre 14-18. Il obtiendra la Médaille Commémorative Interalliés "Médaille de la Victoire" le 12 juillet 1930, ainsi que la Médaille Commémorative de la Grande Guerre le 1° février 1926.
    Pour autant ses moyens financiers restent modestes, comme souvent le sont ceux des artistes passionnés, à tel point qu’il écrit à son ami Chapotat de Bourgoin : « …Mais tous ces rubans, médailles et autres honneurs…, par les temps qui courent et pour les bourses plates ne valent pas quelques beaux billets de mille !!! ».
    En 1923 il se fixe définitivement à Verdun, cette même année toujours au Salon, l’Etat lui achète une autre toile; "Soldats dans un boyau, dans la neige, portant des échelles". Toutes ces toiles acquises par l'Etat sont conservées aux Invalides à Paris, 7 au total, dont je posséde les photos et les descriptifs complets des MN.
    Le 3 juillet 1926, le jugement de divorce est prononcé, d'avec sa premiére épouse, Hèlène.
    En 1927 il fait un séjour à Longwy, le pays du fer et de l'acier. Le voici fixant ses impressions énormes, écrasantes; dans une coulée de lumière rouge se dressent les masses sombres et puissantes des hauts-fourneaux.Ils semblent sortirent de la nuit,menaçants, tels d'effrayants fantômes. Lutte dramatique de l'homme et de la matière, de la lumière et de l'ombre, nocturne fantastique, comme ces deux toiles qui suivent en témoignent. Le puddler malaxant le métal en fusion ou le chaufournier face à l'enfer industriel.

Le puddleur ouvrier de fonderie 1927   
Collection musée de Verdun
Le chaufournier 1927  
Collection musée de Verdun

    En 1928, il loge à Longwy, à l'hotel du Commerce, c'est là qu'il épousera sa seconde femme, Renée Lucienne Quentin, agée de 27 ans, originaire de Verdun, comptable et trés bon peintre à ses heures, d'ailleurs plus tard, elle travaillera avec son mari et elle signera ses toiles R. Quentin-Lantier (comme celle ci-dessous), la plupart des travaux dans les chapelles des villages détruits et autres églises de la région verdunoise ont eu une trés large participation de sa part.
                                                               
                                                                                                                                                                                                                                                                            Collection privéée
   
L'année suivante Lucien s'établira à Verdun, prés du Pont sur l'eau, rue des Bateliers.
    Son installation à Verdun lui assure une situation peut être moins brillante qu’à Paris mais plus sûre financièrement ; en effet les commandes affluent et à côté des créations personnelles, il décore des monuments historiques, des églises: Champneuville, Vacherauville, les chapelles des villages détruits: Beaumont en Verdunois, Bezonvaux, Cumiéres, Douaumont, Fleury devant Douaumont, Haumont, Louvemont, , il réalisera des chemins de croix pour de nombreuses églises: Bras sur Meuse, Fromeréville les Vallons, Lacroix sur Meuse, Revigny sur Ornain, Samogneux,Vaux, Verneuil Petit, Woël en Woëvre, il en réalisera plus tard 3 autres lors de son installation dans les Cévénnes à partir de 1940, Salle de Gardon, Génolhac et la chapelle de la clinique Mistral à Alés, ainsi que des bâtiments publics dans toute la région lorraine, comme par exemple la Marianne de la salle du conseil de la Mairie de Sommedieu en 1923.

     Il crée les décors pour des Foires Exposition, de Paris en 1937, de Roubaix en 1939 où il réalise avec sa femme, Renée Quentin-Lantier, pour le pavillon de la Meuse, commande du Conseil Général de la Meuse, une frise décorative de 42 mètres de longueur sur 0,60 mètre de haut, constituée de panneaux relatant des scènes de la vie meusienne, ainsi qu'une carte du département de 2,50 mètres de haut, placée dans l'entrée du pavillon, représentant des blasons et les activités industrielles de la Meuse. Mes recherches m'ont permis de retrouver deux éléments ces peintures, de 3 m de long chacune (l'une vendue septembre 2016, dans le Var & la 2° en vente juillet 2017 dans le Vaucluse, qui avaient été déposées et ramenées en Meuse à l'époque, et qui avaient ensuite disparu, mais j'ai par contre des photos de l'époque, de ce travail.
    Le cahier de charges de la décoration de l'intérieur du pavillon de la Meuse, fut défini lors d'une réunion à l'Hotel de Ville de Verdun, le 20 juillet 1939. Lucien Lantier fut choisi à cette occasion comme le peintre chargé de ce travail. Son épouse, Renée Quentin-Lantier, peindra la grande carte de la Meuse positionnée à l’entrée du pavillon de la Meuse.
   Un Comité restreint de meusiens, créé pour la circonstance, représentant les principales branches d’activité sociales du département de la Meuse, décida que serait représentés : l’agriculture, les industries du sous-sol, les carriers, les marchands de bois, madeleines de Commercy, confiture de groseilles de Bar le Duc, dragées de Verdun etc…

2 des nombreux éléments de la frise, disparue depuis 1939, réapparaissent depuis 2016...


Le marché aux chevaux, huile sur toile, 225 X 64 (collection privée)



Le marché aux cochons, huile sur toile, 320 X 64 (collection privée)


Carte du département de la Meuse de 2,50 mètres de haut (réalisée par Mme Renée Lantier).


     En juillet 1937, il termine un grand décor dans l'Hôtel Continental angle rue Mazel et rue Edmond Robin, devenu après la guerre une grande épicerie, Fontaine & Viennay, puis la librairie Ducher qui a cessé son activité au printemps 2015, et tout le bâtiment a été vendu à des investisseurs, sans doute plus soucieux de rentabilité économique que de la richesse du patrimoine local, peut-être aussi ne sont-ils pas au courant.
      Ce décor est peint en panneaux de 1,50 mètre de haut environ entre les piliers, fait tout le pourtour du "bar américain", au premier étage, et représente une rétrospective de la locomotion dans la Meuse. Il s'agit du tout début de la mise en service de la ligne Verdun-Bar le Duc, le "Meusien" appelé aussi le "Varinot" du nom du propriétaire de la ligne à l'époque, Charles Varinot, mis en service en 1887 jusqu'en 1936.      Tous les personnages sont en costume de l'époque. Le train arrive de Lemmes ou à Souilly, tous les voyageurs sont descendus, pour admirer le monstre au repos, le tortillard comme on le nommait à l'époque, bref "la Suzanne". On saucissonne, il y a la bonne paysanne meusienne encore craintive mais qu'on devine sous sa "hâlette", il y a l'ouvrier, le fonctionnaire, le charcutier qui discutent sur le ballast. Il y a des gens curieux et aventureux, pressés de savoir, la tête entre les roues pour essayer de surprendre les secrets de la bouilloire. On voit une capiteuse et élégante verdunoise bien loin des problèmes de la vapeur.. mais plus tôt interressée par un beau cuirassier tout blanc...etc..      Malheureusement ce magnifique décor, oublié de nos jours et recouvert de peinture ou d'un doublage depuis les années 50, va sans doute être livré au démolisseur des nouveaux occupants.

Un bras de la Meuse à Belleray (55)
Un bras de la Meuse à Belleray (55)
(Musée de Verdun)

Le maréchal de Vauban
Le maréchal de Vauban
(Hotel Vauban MSA de Verdun)

    Classé, tout ce travail peut encore se visiter aujourd'hui, à l’église de Samogneux, Vacherauville, Bras, Champneuville, Haumont (le Soleil), l’hôtel Vauban à Verdun par exemple et bien d’autres lieux encore.
    Pour ce qui concerne plus précisément le travail que Lucien Lantier a effectué pour l’église de Samogneux, cette commande fut passée dans les années 30, comprenant : un chemin de croix peint sur bois comportant bien sûr 14 stations de 38 cm de large par 30 cm de haut et deux toiles allégoriques.
    Les deux toiles mesurant chacune 1,80 mètre par 1,80 mètre sont placées de part et d’autre de la porte d’entrée, dans la nef.
    L’une s’intitulant « Messe aux Compagnons d’Armes » représente un office religieux célébré dans l’ancienne église du village, église qui n’existe plus puisque détruite, située à l’emplacement de l’actuel monument aux morts du village.
L’intérieur de l’édifice avait été décrit au peintre, de mémoire par des anciens du village. Des soldats français et américains blessés, certains s’entraidant, communient donc au cours de cette messe, le symbole de la fraternité des deux nations unies dans l’épreuve est omniprésent dans cette vision allégorique de la guerre.
    L’autre toile s’intitulant « Les Deux Mères » est une composition puissamment évocatrice. Au premier plan, deux mères en deuil, l’une française, l’autre américaine, sont penchées côte à côte sur deux tombes. Elles sont, là encore, comme sur l’autre toile, unies, comme sont unis leurs pensées et leurs cœurs.
    Dans le fond, on aperçoit l’ancienne passerelle de bois construite par l’armée américaine en 1918, qui reliait Samogneux à Regnéville « remplacée » par le pont en pierre à deux arches, qui se profile à l’arrière plan, en projet à l’époque, qui a finalement été construit en 1935, inauguré en 1936 et intelligemment…détruit par l’armée française en 1940 espérant ainsi arrêter l’armée allemande…qui a tout simplement emprunté la route nationale. Ce superbe pont en dur avait été lui aussi financé par la même œuvre.
    Enfin au-dessus de ces ruines, la mère du Christ tenant son fils dans ses bras, symbole de sacrifice, de la résignation, de la paix, est une vision réconfortante qui anime la toile et lui donne sa signification profonde.
    Louis Lantier est nommé en 1936, conservateur du musée de la « Princerie » par la commission mixte du musée de la « Princerie », composée de six membres du conseil municipal et de six membres de la Société philomathique sous la présidence de monsieur Gaston Thiébault, député maire de Verdun, natif de Samogneux.
    Malheureusement en 1940, âgé alors de 61 ans, la guerre va le chasser ainsi que le flot des lorrains qui évacuent devant l’avance des troupes nazies, jusque dans le Sud de la France, dans le Gard, au nord d’Alès, à Branoux, prés de La Grand Combe, il a tout perdu. Lui et son épouse trouve refuge, dans un premier temps, au Pradel, il s'agit d'un mas, comme il y en a beaucoup dans la région. Puis en 1942 et jusqu'en 1944, ils furent hébergés au Mas Supérieur dans la famille Valcroze, par la suite, la guerre terminée, la commune de Branoux fournit un petit local, l'actuelle bibliothèque du village. Il ne quittera plus cette région, ni cet appartement jusqu’à sa mort dans le dénuement le plus total et grabataire le 21 avril 1960 à l'hopital d'Alès.
                                                                                            
   
Il fut inhumé dans le cimetière d'Alès, puis sa femme fit transférer le corps à Verdun le 1er février 1968 dans le cimetière du Faubourg où la sépulture familiale était prête depuis de nombreuses années. On peut noter en examinant la stéle, qu'à l'époque le marbrier, l'entreprise chargée de cette opération, ne s'est même pas donné la peine de compléter l'épigraphe quant à la date de la mort de Lucien Lantier...
    Son épouse, décéde quant à elle le 28 juillet 1975 à Branoux (30), elle sera inhumée elle aussi à Verdun, sa ville d'origine.
    
    Lors de la réunion du conseil municipal de la ville de Verdun du 09 Décembre 2013, aprés quelques années de suggestions d'amis et connaisseurs de Lantier, comme mon regretté ami Jean Laparra, membre de la Société philomathique de Verdun, disparu en juin 2013, il fut décidé de donner le nom de Lucien Lantier, à une rue de Verdun, avec prise d'effet en avril 2014.
    C'est fin novembre 2014, que le chemin Cendrousse, à la sortie Ouest de Verdun, paralléle à la route de Paris, devint la rue Lucien Lantier. Merci.

    Printemps 2015; accédant à ma requête et grâce à l'intervention de Jean Pierre Laparra, maire de Fleury devant Douaumont, la ville de Verdun a accepté de remettre en état et d'assurer la conservation de la sépulture de Lucien Lantier qui était vouée à destruction..déjà citée dans livre de Bertrand BEYERN "Guide des tombes d'hommes célèbres". Je pense que tous les passionnés comme moi de ce peintre, apprécieront.
     Dés que les travaux seront terminés, je publierai une photo sur le site.

Sépulture de Lucien Lantier à Verdun (55)
   Sépulture Lucien Lantier , cimetiére du Faubourg, carré n° T 140




Nouvelle plaque, depuis novembre 2014


 
ça me va !!

      Durant ces 20 années passées dans les Cévennes il a tenté de survivre de son art. Grâce aux houillères locales, il existe des acheteurs potentiels, ingénieurs, médecins : il peint.
    Il faut aussi noter qu'il aura un èlève, Jean Savajol, qui deviendra un peindre méridional trés connu, cévenol natif de la Grand-Combe où il réside jusqu'en 1970. Après avoir vécu à Avignon, il est maintenant installé à St Julien-des-Points, il expose réguliérement de magnifiques toiles trés "ensoleillées", riches en couleurs et en même temps trés douces à admirer.
    La nature cévenole redonne à Lucien Lantier le goût des paysages. Il parcourt les chemins qui grimpent autour du village à la recherche de points de vue car il met le pays en scène. Branoux, où il a finalement posé son sac, est un petit village entouré de quelques mas disséminés et les représentations de Lantier parlent de cette petitesse de l'être humain face à la nature (ou l'espace).

Petit sentier à la sortie de Branoux (30)
Le petit sentier à la sortie de Branoux en 1942
(collection privée à Branoux)
Le petit sentier de Branoux en 2008
Le même petit sentier en juillet 2008
(photo ML)

Même lorsqu'il peint une grande maison bourgeoise comme le Perrier, il la noie dans la treille et les autres plantes qui ne devraient en être que les ornements.

                                                                      La treille du Perier 1942
                                                           La treille du Perier en 1942 (collection privée Branoux)

    Dans une autre toile, composition conventionnelle, décor de bergerie aux rives méandreuses d'une rivière mélancolique, la ligne de fuite suggère des profondeurs, des mystères étouffants pour les humains.

La maison de Lancise à Branoux
La maison de Lancise à Branoux (30) 1942
         (collection privée à Branoux)



Le Mas Soubeiran à Branoux (30)
                  Le Mas Soubeyran à Branoux (30) 1942
         (collection privée à Branoux)


    De cette inquiétude, participent aussi les couleurs qui, semblant refuser l'éclat, confirment que l'essentiel est loin du spectaculaire. Cela ne l'empêche pas d'utiliser le paysage en décor de scènes historiques idéalisées (il n'oublie pas ses succès de décorateur) et de recommencer à représenter une Bessarabie exotique à souhait.
    Il peint aussi des portraits des habitants du village (ou des commandes) et, comme il faut bien remercier ceux qui lui viennent en aide, quantité de bouquets dont la simplicité, les couleurs atténuées, laissent sourdre une impression d'apaisement, voire de sérénité, comme s'il s'était dégagé de ses misères matérielles et physiques (car, à ce moment-là, il ne court plus les chemins mais, cloué au lit, peint couché, appuyé sur l'avant-bras pour se soulever un peu).

Pierre
Pierre
(collection privée Branoux)
Puits de mine Le Pontil Laval Pradel 1942
Chevalet de la mine du Pontil Laval Pradel (30) en 1942
(collection privée à Branoux)
Bouquet fruitier
Bouquet fruitier
(collection privée à Branoux)

    Il a réalisé deux chemins de croix dans les Cévennes, comme ceux de la région verdunoise, il faut aller les voir dans les églises, comme à Samogneux par exemple, pour comprendre comment la décoration est dépassée lorsqu'on met à son service la fausse naïveté d'un réalisme stylisé et mis en scène car, dans la plupart des quatorze stations, c'est, comme au cinéma, de cadrages qu'il faut parler.
  En Meuse,comme je l'écris plus haut, il décoré la plupart des chapelles des villages détuits et non reconstruits: Beaumont en Verdunois, Bezonvaux, Cumiéres, Fleury devant Douaumont, Haumont prés Samogneux, Louvemont, Vaux, de même que l'église Saint Sauveur à Verdun ( tout prés de son domicile à l'époque), ainsi que des églises où l'on peut là aussi admirer son travail: Champneuville, Douaumont et Vacherauville. La salle du conseil de la mairie de Sommedieu est ornée d'une magnifique effigie de Marianne de 2,40m de haut sur 1,40m de large peinte en 1923.
  Dans la même région, Verdun, il a peint nombre de chemins de croix hormis celui de Samogneux : Bras sur Meuse, Fromeréville les Vallons, Lacroix sur Meuse (ces deux derniers étant remarquables par leur grande taille), Revigny sur Ornain, Verneuil Petit et Woël en Woëvre.
    Cet artiste a exposé au cours de sa carrière à Amsterdam, Bruxelles, Gand, Liverpool , Luxembourg , Manchester , Metz , Moscou, Nancy , New York , Paris , Saint Petersbourg , San Francisco , Wiesbaden.
    On peut aussi signaler que Lucien Louis Bernard Lantier s’est marié à deux reprises:
c'est durant sa période de convalescence, qu'il épouse Héléne Anaïse Henry, née le 29 juillet 1891 à Champagnay (arrondissement de Lure), le 23 juin 1916, à Lure. Il avait connu sa femme en tant qu'infirmière durant son hospitalisation et découvert ses propres dons artistiques; elle fera du reste une trés belle carrière à Paris dans les étoffes de luxe.
      De cette union, naquit un fils en 1917, à Chaumont (52), Bernard Louis Félix, né le 10 décembre 1917. Malheureusement le couple se sépare environ 5 ans plus tard. Les aléas de la vie feront que Bernard sera élevé par la famille maternelle. Il fera une trés belle carrière d'ingénieur en aérodynamique et chercheur au CNAM, il est entré à l'Institut d'aérodynamique de Saint Cyr l'Ecole pendant la guerre, où il a participé à un réseau de résitance. Aprés les hostilités, il a repris ses activités, jusqu'à la fin de sa carrière.
     Bernard eut 2 enfants et fut maire de Neauphle le Vieux est décéda le 12 Octobre 1996
.

      Lucien Lantier se remaria donc avec Renée Quentin qui lui survivra jusqu’en 1975, elle aussi artiste et qui signait ses œuvres Quentin-Lantier.

Héléne Henry 1° femme de Lucien Lantier, en infirmiére 1916  
Héléne Anaïs Henry

(Collection privée )

 

 

Renée Quentin-Lantier 2° épouse de Lucien Lantier 1935  
Renée Quentin
( Collection privée Branoux)

      Je possède actuellement prés de 600 images  de travaux de Lucien Lantier venant de tous horizons, de toutes époques et tous styles... et je continue d'en découvrir et d'en collecter auprès de nombreux pocesseurs privés ou de musées qui me les font parvenir par @ ... avis donc aux heureux propriétaires de toiles ou dessins de Lucien Lantier qui auraient la gentillesse d'en faire autant, merci d'avance. Le cas échéant pour répondre à certaines demandes, je peux faire parvenir à ceux qui le souhaiteraient quelques photos.

                                                                                                                  Copyright Samogneux - 2004 ©