Les monuments
(cliquer sur les images pour les agrandir)
Le père
Barnabé: (Monument
original, attention aux imitations...!)
Monument
érigé en 1929 au pied de l’ancienne église. Financé,
ainsi que la reconstruction du village, grâce à la générosité
de l’"Oeuvre franco-américaine du Relèvement de Samogneux"
d’Henri Frémont et d’une américaine, Miss Horace Gray
de Boston.
Cette statue appartient au propriétaire du terrain
privé sur laquelle elle est érigée, l'Oeuvre franco-américaine
ayant disparu de fait depuis les années 1940, faute de membres et de
financement l'association s'est éteinte.
Né de la plume de Monsieur Henri Frémont,
écrivain, homme de presse et libraire, originaire de Verdun, le Père
Barnabé, personnage imaginaire, symbole des réfugiés meusiens
de la guerre 14-18, est à l’origine même de la reconstruction
de Samogneux et particulièrement du patrimoine public. Il représente
un paysan meusien sur l’emplacement de son village détruit, abattu
devant l’ampleur du désastre. Il est construit en béton
armé moulé.
Le Père
Barnabé est né de l’imagination d’Henri Frémont
pendant son propre exode de Verdun en 1917 vers Paris. Le mal du pays et les
évènements l’inspirèrent ; il commença à
écrire l’histoire, au présent, d’un malheureux évacué
meusien, de Samogneux, qui aurait tout aussi bien pu être de Vacherauville
ou d’ailleurs dans la région. Il se trouve que ce fut Samogneux,
et cela n’allait pas être sans conséquence dans les années
à venir, de manière tout à fait imprévue.
Henri Frémont venait de créer à
Paris le « Bulletin Meusien » et, au fur et à mesure des
jours, insérait dans les colonnes de son journal sa fameuse histoire,
comme un feuilleton. Il avait inventé une adresse à notre Père
Barnabé, rue Lepic, l’une des rues les plus pentues de Montmartre.
L’ouvrage s’écrit au rythme d’un
chapitre par semaine. Les réactions des réfugiés meusiens
présents dans les environs de Paris, lisant régulièrement
les pérégrinations de ce meusien inconnu, et tous en relation
administrative avec le comité du faubourg Montmartre, aident l’auteur
pour la suite de son histoire.
L’armistice
est signé le 11 Novembre 1918.
Certains réfugiés rentrent petit à
petit et découvrent les dégâts de la guerre et se réinstallent
tant bien que mal. Samogneux, village de baraquements provisoires type Adrian
est construit en face du cimetière actuel, avec sa chapelle. (voir
le § Cartes postales)
Entre temps, 30 chapitres du père Barnabé
sont écrits et pour conclure l’histoire, la dernière page
représente le père Barnabé devant sa baraque sur la porte
de laquelle il a cloué un petit drapeau tricolore flottant au vent.
Henri Frémont décide d’imprimer
et de publier son histoire, demande à André Maginot de lui préfacer
son livre, ce que celui-ci fait de bonne grâce. Les ouvrages sont mis
en vente dans différentes librairies meusiennes entre autres.
Quelques éléments du livre.
Un mois et demi après la parution
du premier livre, un événement tout à fait inattendu se
produisit ; Henri Frémont recevait un courrier de Pau ; voici ce que
contenait cette lettre :
-« Monsieur,
Vous ne me connaissez pas, mais je connais votre librairie parce que je reviens
de Verdun et que j’y ai acheté tous les livres qui se publient
dans votre région. Il faut vous dire que je suis américaine, que
j’ai dirigé un hôpital sur le front français et que
j’ai beaucoup d’affection pour la France…
Votre Père Barnabé m’a touché et avant de quitter
Verdun j’ai tenu à me rendre à Samogneux…J’ai
interrogé les gens là-bas…J’ai vu la chapelle…Voulez-vous
qu’à nous deux, nous tentions quelque chose pour Samogneux…J’ai
réfléchi !… Il n’y a pas que votre Père Barnabé,
voyez vous, qui ait des idées, moi aussi !…Ecoutez Monsieur, donnez-moi
l’autorisation de traduire votre livre en anglais…Je le vends dans
mon pays et le produit de la vente je vous l’envoie pour le village…Est
ce que cela vous paraît possible ? Est-ce que cela vous plait ainsi ?
» Signé Mistress GRAY
La réponse fut la suivante :
-« Madame,
Je ne sais pas comment vous remercier pour la poignée d’habitants
rentrés à Samogneux, comme pour moi-même !…Vous me
demandez l’autorisation de traduire mon Père Barnabé, en
fait vous pourriez en avoir besoin, c’est vrai. Mais en réalité,
c’est moi qui vous l’offre, qui vous prie de vous en servir et lorsque
vous l’aurez prise, je resterai, Madame, votre obligé et votre
bien reconnaissant ! » Signé Henri Frémont
Six
mois plus tard un premier envoi de 1500 volumes traduits en anglais embarquaient
pour Boston. Le Bulletin Meusien annonçait : « Le Père Barnabé
part pour l’Amérique, si il a le mal de mer je le saurai et je
vous le dirai !… »
(faites connaissance plus bas avec Mrs Gray...)
Voici un aperçu de l'exemplaire américain:
D’autres envois sont fait régulièrement
et Madame Horace Gray tient parole ; les chèques commencent à
arriver.
Mrs
Horace Gray en 1930
Le
25 juillet 1927 un compte est ouvert pour la circonstance à la banque
Varin Bernier. Ce compte sera celui du Comité qui a dû être
créé pour légaliser l’affaire.
A ce comité se sont joints spontanément
Messieurs Raymond Poincaré président du conseil ( Premier Ministre)
et ancien Président de la République, André Maginot ministre
de la guerre, Victor Schleiter député maire de Verdun, Georges
Lecourtier sénateur, le préfet de la Meuse du moment, le général
Boichut gouverneur de Verdun, Léon Florentin grand mutilé de 14-18,
Achille Jacques le maire de Samogneux à cette époque, père
de Georges Jacques, Madame Horace Gray, son banquier et bien sûr Henri
Frémont.
o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o
Le monument du Père Barnabé devait être
imaginé, proposé et après présentation à
l’association, le choix du sculpteur et de son projet serait fait. En
mai 1928, un sculpteur ami de Monsieur Peyronnet de Verdun, Eugène Georges
Durassier *, sollicita l’honneur et le plaisir de créer et de proposer
un Père Barnabé en béton ou en pierre de taille. Cette
œuvre serait exposée au Salon des Artistes Français à
Paris de 1929, et l’issue de cette exposition, la statue reviendrait à
son pays de destination, Samogneux.
A cette proposition, Mrs Horace Gray, acquiesça
par télégramme depuis les Etats Unis.
Eugène Durassier, s’installa rue
de Rû dans l’atelier de Monsieur Peyronnet, pour réaliser
la maquette. Il se mit en rapport avec l’architecte Delangle de Verdun,
qui participa donc au projet du point de vue technique des matériaux,
puisque finalement l’œuvre serait en béton armé et
moulé.
E.Durassier * a imaginé donner à
sa statue l’aspect d’un haut relief, sur un fond de pierre, les
ruines de Samogneux, un peu à la manière d’une médaille.
Le personnage est supposé arrivé dans son village détruit
au lendemain de la fin de la guerre. Et appuyé sur sa canne noueuse,
adossé au panneau : « Ici était Samogneux » (panneau
qui a réellement existé), le Père Barnabé, la tête
légèrement penchée, atterré, pense sans doute à
son pauvre village d’avant, fracassé par la folie des hommes. L’œuvre
et belle et poignante, le Père Barnabé, de taille réelle,
exprime sa tristesse.
Reçue
sans problème au Salon des Artistes Français à Paris de
1929, la statue posait bien en vue près du rond-point central, le Père
Barnabé exhalait sa tristesse sous les frondaisons des jardins du Grand
Palais. Quelques jours après sa mise place, l’artiste, un beau
matin découvrit au pied, un bouquet de fleurs blanches, posé sur
le gazon, par qui ? On l’ignora ! Ce geste était lourd de symbole.
A l’issue du Salon, la statue quitta Paris
par le train en direction de Verdun, le 20 juin.
Le Père Barnabé en 1932
Dix
jours plus tôt, Monsieur Frèmont, se rendit à l’hôtel
de ville de Verdun et proposa au maire, Monsieur Schleiter, que le Père
Barnabé soit exposé à la mairie…en ces termes : «
Comme le Père Barnabé ne peut pas encore rentrer à Samogneux,
l’assise n’étant pas encore prête, j’ai eu l’idée
de venir voir le maire de Verdun et de demander à la Ville Glorieuse,
hospitalité et abri pour lui.. »
-« Bonne idée ! » répondit le maire, mais celui-ci
s’inquiéta aussitôt pour ses parquets… « à
propos, combien pèse-t-il votre Père Barnabé ? »…
« 5 à 600 kgs au plus… mais rassurez-vous, il est destiné
à passer toutes ses nuits à la belle étoile de Samogneux…si
vous voulez bien, nous le mettrons tout simplement dans la cour de l’Hôtel
de Ville. »
Et voilà comment le Père Barnabé
est rentré à Verdun le jeudi 21 Juin 1928 dans sa caisse d’emballage,
le 24 juin, il sera mis en place par le responsable technique de la mairie,
Monsieur Rabut, près des canons d’honneurs de la vieille cité.
Il fut exposé jusqu’en juillet 1929 à l’Hôtel
de ville de Verdun, puis rejoignit enfin Samogneux, et fut mise en place le
06 Juillet 1929 sur cet espace qui lui était dédié ; au
pied des ruines de l’église, près de la route nationale.
Et comme il fut si bien écrit à l’époque : «
Le père Barnabé, vigie attentive, éveillera dans le cœur
de tous les passants le souvenir de la guerre. »
Le
monument du Père Barnabé a changé de place quelques années
après son érection pour être installé en 1936 à
son emplacement actuel, près de l’ancien café à qui
il a pu ainsi prêter son nom ; « Café AU PERE BARNABE ».
Ce transfert s’est effectué par acte officiel,
en atteste un document daté du 31 août 1936, établi entre
les deux parties, Henri Frémont, secrétaire trésorier de
l’Oeuvre franco-américaine du relèvement de Samogneux d’une
part et Robert Lecointe, mon grand père, café-restaurant «
Au Père Barnabé » à Samogneux d’autre part.
Il a été convenu ce qui suit :
«…La
statue du “Père Barnabé” de Samogneux, propriété
de l’Oeuvre et qui se trouve actuellement au pied de l’ancienne
église de Samogneux sera, par les soins de Monsieur Lecointe Robert qui
accepte, déplacée et amenée au village de Samogneux,sur
un terrain en bordure de la route appartenant au dit Lecointe Robert.
…Il est expressément entendu que la statue du “Père
Barnabé” restera la propriété de l’Oeuvre franco-américaine
et de Monsieur Henry Frémont sus-nommé et que son prix marchand,
pour la commodité, est fixé à cinq milles francs…
» Signé Henri Frémont
Ce déplacement est à l’origine d’une anecdote. Pour transporter la statue du Père Barnabé, les ouvriers chargés du travail ont utilisé le corbillard à bras du village, l’opération se passant en fin de journée, l’hiver 1936-37. Pour la nuit ils ont remisé l’ensemble dans le garage du café tenu par Monsieur Lecointe Robert.
Collection
M. Lecointe
Le pére Barnabé installé
à son nouvel emplacement en présence entre autre
de Henri Frémont et de mon grand père, Robert Lecointe, juché
à l'arriére de la statut.
L’établissement faisait aussi hôtel. La journée terminée, un tractionnaire de péniches sur le canal de l’Est, s’est présenté pour coucher. Monsieur Lecointe l’invita à garer son tracteur dans le garage… Il faisait nuit. En entrant dans le garage, qu’elle ne fut pas la surprise du pauvre chauffeur de découvrir dans ses phares…un mort sur un corbillard. Il se précipita aussitôt dans le café pour connaître les circonstances de la mort de ce noyé croyait-il. Surprise de la clientèle présente et éclats de rire aux dépens du pauvre homme, qui en fut quitte pour une belle peur...
* Le
sculpteur Eugène Georges Durassier est né
à Paris, dans le 12e arrondissement, le 12 septembre 1862. Son père,
Pierre Eugène Étienne, était ébéniste, sa
mère, Catherine Bouly, était couturière. Ils habitaient
boulevard Mazas, devenu boulevard Diderot en 1879.
Il créa divers monuments et entre autres,
les monuments aux morts de Rostrenen dans les Côtes Armor,
de Montaigu dans l’Aisnes, de Beuvillers
dans le Calvados, Souesmes dans le Loir et Cher, à Bras
sur Meuse, il produit la jardinière du monument aux morts, à
Vaux devant Damloup près de Verdun il créa le
calvaire avec Christ en bronze, inauguré en 1933, présenté
au Salon des Artistes à Paris le 30 Avril 1933.(le grand Christ du
cimetière de Vaux-devant-Damloup (Meuse) a été volé
le 13/7/2014…). Placé sur le fronton du mur d’enceinte face
à la porte d’entrée, ce Christ en bronze mesurait environ
1,50 m de hauteur pour 1 m de large.
Une histoire de fromage....méconnue
concerne le Père Barnabé.
En effet, fin 1927, l’existence du personnage,
défrayait la presse, et un fromager local, Charles Blanchet propriétaire
de la Fromagerie de l’Abbaye de Chatillon près de Spincourt eu
l’idée de donner à deux de ses fromages qu’il venait
lui-même d’élaborer, le nom de : LE PERE BARNABE.
Il y avait eu des discussions avec Monsieur Henri Frémont, qui avait
accepté le concept. L’idée était même allée
beaucoup plus loin ; en effet Monsieur Blanchet envisageait tout simplement
de construire une fromagerie à Samogneux… rien de moins ! Et qui
aurait bien sûr commercialisé LE PERE BARNABE,
et créé des emplois.
Malheureusement, un tragique incendie détruisit
la fromagerie dans la nuit du 15 au 16 janvier 1928.
Monsieur Blanchet, écrivit à Monsieur
Frémont : « Ma plume est lourde et la pensée d’avoir
à recommencer tant d’efforts me trouve désemparé.
Sachez aussi, Monsieur Henry Frémont, que ma dernière création
de fromage dont j’espérais tant de bien et que, en souvenir de
votre héros de Samogneux, j’avais baptisée : fromage du
Père Barnabé, est parmi les décombres ! »
Monsieur Frémont lui répond dans
son journal, le Bulletin Meusien : Ressaisissez-vous mon cher Monsieur Blanchet
! Remettez debout votre industrie. Voilà le beau temps qui revient. Construisez
! Marchez ! Et vous nous redonnerez, dans quelques mois, de ce bon fromage du
Père Barnabé, dont un dépôt doit être installé
à Samogneux même ! Ce n’est qu’un retard. Qu’est
ce qu’un retard, quand on a votre ardeur, votre compétence et votre
âge ?
Monsieur Blanchet a suivi ces conseils, mais s’est
installé à Neuvilly en Argonne, sur un terrain de ses beaux parents,
le Hameau de la Lochères, l’activité redémarre et
se développe, le fromage LE PERE BARNABE est lancé avec succés.
Monsieur Blanchet sera fusillé par les
allemands le 30 septembre 1944.
Il
faut savoir aussi que ce monument, actuellement, se trouve sur un terrain privé,
il appartenait jadis à L’Oeuvre
franco-américaine de relèvement du village de Samogneux, cette
association s'est éteinte depuis des décennies, faute de membres
et de fonds, le compte bancaire a été fermé en même
temps.
La commune envisagerait de déplacer le
Père Barnabé (qui appartient pourtant au propriétaire du
terrain, et donc pas à la commune...) et le remettre à sa place
initiale ; au pied de l'ancienne église. Pourquoi pas, mais finalement
soyons fous.. on va en faire un deuxiéme en 2019, le ridicule ne tuant
pas, et avec l'argent de généreux donateurs, largement trompés
par l'instigateur....
A savoir aussi qu’en 1935, lors de l’installation
de la statut à l’emplacement actuel, mon grand-père, alors
propriétaire du terrain, a assuré sa mise valeur par la plantation
d’une haie de troènes de part et d’autre, qu’il taillait
régulièrement, l’herbe était fauchée. Après
la guerre, mon père a pris le relais et a continué l’entretien.
Il a été le maire durant des décennies. Puis, il y a quelques
années, la haie a été arrachée….par la commune.
Une certaine mainmise s’installait insidieusement. Mais la dernière
équipe, de 2014, tel Poutine avec la Crimée, a exprimé
des velléités d’appropriation; aussi, nous, la famille,
avons donc repris la main, et depuis 2016, réalisons, nous-même
l’embellissement.
Août 2019, j'ai entrepris de restaurer quelques
éléments de la statue. J'ai donc commencé par sa canne
qui avait subi quelques outrages du temps. L'âme de la canne étant
en métal, un double fil de fer torsadé, rouillé et désolidarisé
du sol, en fait, coupé... J'ai tout de suite constaté que la canne
avait été volontairement détérioré dernièrement.
En effet ayant fait des photos très récemment, au mois d’août,
il manquait presque toute le ciment, constitutif, j’affirme que cela permettait
de justifier, un projet d’individus mal intentionnés invoquant
ainsi un « soi-disant mauvais état » de la statue, arguant
ainsi qu’il fallait en construire une autre…en pierre...
Néanmoins, j’ai ôté les débris
de ciment adhérant encore au métal, j’ai traité ce
fil de fer, après l’avoir resolidarisé avec la base, le
traitement a consisté à une passivation du métal, en transformant
chimiquement la rouille en phosphate, avec un produit ad hoc, supprimant toute
oxydation du fer dans le futur et donc la désagrégation du ciment
à venir.
J’ai « tubé » la nouvelle canne
autour du fil de métal et garni de mortier spécial. J’ai
respecté la canne d’origine de Eugène Durassier, comme dans
le livre d’Henri Frémont, un bâton d’épine,
coupé vers Samogneux …donc avec quelques bourgeons durs.
Après séchage, j’ai « détubé
» la canne, enfoncé dans le béton encore frais, des graviers
durs et pointus représentant les bourgeons en question, aux endroits
précis d’origine. Finition au pinceau humide de ciment, ponçage
gros grains, terminé !
J'ai terminé par la plaque de marbre, gravé,
repeinte et polie.
La prochaine étape sera la reconstitution des
bords du chapeau, qui ont été coupés par un maçon
de base, il y a une trentaine d’années, missionné par la
commune, et qui ne savait pas qu’il travaillait sur une œuvre d’art
!
![]() Etat de la canne à restaurée. |
![]() Canne restaurée, plaque marbre repeinte et polie. |
![]() Présentation au public...! |
![]() Chapeau actuel, les larges bords du chapeau du personnage ont disparus !! Prochaine étape de restauration. |
![]() Statue originale 1930 |
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Au Journal
Officiel le Comité pris le nom de : L’Oeuvre franco-américaine
de relèvement du village de Samogneux..
Mille dollars sont déposés immédiatement,
et ce, à neuf reprises jusqu’en 1930, soit 9000 dollars ou
225 000 francs* de l’époque. Ces fonds ont servi à différentes
réalisations dans le cadre de la reconstruction.
La répartition a été la suivante :
Pour la commune :
- Contribution à la construction d’un pont en dur reliant Samogneux
et Regnéville. 100 000 francs*
- Achat d’un terrain, un pâquis. 26 800 francs*
- Achat d’une pendule électrique pour le clocher. 10 500 francs*
Pour l’église :
- Un harmonium, des ornements et objets de culte. 13 000 francs*
- Un chemin de croix et deux toiles allégoriques peints par le peintre
de genre Lucien Lantier.
7 000 francs*
Pour la mairie :
- Des travaux de menuiseries et une bibliothèque communale. 6 000 francs*
- Réfection du chemin allant à Régnéville. 5 000
francs*
- Remise en état du Chemin sous la Ville. 5 000 francs*
- Statut et aménagement du Père Barnabé. 6 000 francs*
- Contribution aux impôts pour la construction d’un pont en dur
reliant Samogneux et Regnéville. 10 000 francs*
- Contribution à la confection et l’érection du monument
aux morts. 22 000 francs*.
L’inauguration du village reconstruit s’est faite le dimanche 6 octobre 1935 en présence de nombreuses personnalités et d’environ 500 personnes.
*Cours du franc de 1930 en euro 2003, (source INSEE) : 1 franc 0,48302€
Parmi les personnalité présentes on pouvait noter entre autres, Messieurs Henri Frémont, les sénateurs Courot, Lecourtier et Mirouel, le député Gaston Thiébaut, natif de Samogneux, et qui fait l'objet en 2010, d'un excellent ouvrage de Jean Pierre Harbulot (Maître de conférences en histoire contemporaine à l'Université Henri Poincaré de Nancy): GASTON THIEBAUT le parlementaire meusien qui a dit NON à Pétain, le préfet de la Meuse Natalelli, le président du conseil général, l’inspecteur d’académie, les sculpteurs Broquet et Borgine, le peintre Lucien Lantier, l’architecte du pont sur la Meuse Delangle, le général Riviére gouverneur de Verdun et bien sûr le maire de Samogneux Georges Jacques en compagnie de nombreux maires des villages alentours , mais en l’absence forcée de Madame Horace Gray souffrante et en repos à Pau et qui a bien regretté, par lettre, de ne pouvoir assister à la réalisation de son œuvre : la renaissance de Samogneux.
Le pére Barnabé érigé
au pied de l'ancienne église, au bord de la route, Henri Frémont
en présence de quelques enfants, dont..
mon pére, Jacque Lecointe (à droite avec le béret), alors
âgé de 10 ans et encore résidant à Brabant pour quelques
semaines avant l'installation de la famille à Samogneux au café.
Les
vicissitudes du Père Barnabé en 2019-2020
..
Le maire du moment, a décidé une fantaisie,
à savoir, faire faire une imitation (et non une copie) de la statue,
en pierre pour la placer prés de son emplacement initial… or à
l'origine, elle se trouvait 15 mètres en arrière, entre les deux
éléments de l’ancienne église détruite, en
position haute, de « vigie » comme prévue et décrite
par Henri Frémont. Le maire ignorant ces subtilités...
l’a placé au bord de la route !! Où personne ne s’arrête.
Par contre ayant lu sur mon historique, qu’à
l’origine, une colombe en pierre, symbole de la paix, était posée
sur le cartouche du monument, et cassée en 1933-34, elle a été
rajoutée en 2020.
Extrait article Est Républicain édition de Verdun du 12 mars
2020
Compte tenu du ridicule de la situation et l'incongruité
de la chose, l'article titre "INSOLITE" !!
"Les habitants de Samogneux et les élus
ont inauguré la nouvelle statue du père Barnabé, qui a
retrouvé son emplacement initial, en bordure de la RD 964, à quelques
mètres seulement de l’originale, toujours existante.
Personnage imaginaire créé en 1917 par Henri Frémont, rédacteur
en chef du « Bulletin meusien », le père Barnabé est
un paysan meusien, contraint de quitter son village en février 1916 et
devenu le symbole des réfugiés meusiens de la Grande Guerre.
Un bouquet de fleurs comme symbole de la renaissance
Un bouquet est déposé au pied de la statue. « Ce bouquet
symbolise la renaissance, car Samogneux devait rejoindre les villages détruits,
non reconstruits de la Zone rouge. Mais c’était sans compter sur
la pugnacité de plusieurs familles qui se sont mobilisées ainsi
que la généreuse donation de Mme Horace Gray, provenant de la
publication du livre du père Barnabé, qui a été
traduit et publié aux États-Unis », stipule Jean-Marie Addenet,
le maire.
« Longue vie au père Barnabé ! »
« Mon arrière-grand-père appréciait les gens de la
campagne. » Par cette phrase Bruno Frémont relate, non sans émotion,
l’histoire de son aïeul.
Né en 1869, journaliste parisien, envoyé en Meuse pour couvrir
un événement social, Henri Frémont ne restera pas insensible
au départ des Meusiens fuyant la guerre.
Contraint de quitter Verdun, il insérera chaque jour, dans les colonnes
de son journal, toute la nostalgie qu’un évacué meusien
de Samogneux ressent à Paris. « Le père Barnabé est
un portrait anonyme, universel, que chaque famille pouvait identifier comme
leur père, leur grand-père », indique Bruno Frémont,
remerciant au nom de sa famille les partenaires qui ont permis cette réalisation
ainsi que la famille Lecointe qui entretient et fleurit la statue originelle
depuis 1936.
Et de conclure : « Longue vie au père Barnabé ! »"
Concernant
plus particuliérement Gaston Thiébaut:
(Extrait du livre)
L'ENFANCE, DANS LA MEUSE
Gaston Thiébaut naît le 11 avril 1898 à Samogneux,
un petit village de 200 habitants situé au nord-ouest de Verdun. Il
lui est resté attaché toute sa vie, même s'il a dû
le quitter assez tôt. À 12 ou 13 ans, il s'installe en effet à
Verdun pour continuer sa scolarité.
Son père, Félicien (1873-1951), et sa mère
Alberte Thiercy (1874-1938) se sont mariés en 1896. Ils vivent à
Samogneux et travaillent dans la ferme du père de Félicien jusqu'en
1902. À cette date, Félicien décide de s'installer à
Paris car il ne s'accorde pas avec son père, peu enclin à moderniser
son exploita¬tion. Il doit aussi tenir compte de l'affaiblissement de son
épouse qui a été handicapée physiquement, suite
à un accident de bicyclette. À Paris, Félicien travaille
comme entrepreneur de transport (« loueur de taxi »). Un deuxième
fils, Roger, vient agrandir la famille en 1905.
Gaston Thiébaut, lui, reste à Samogneux auprès
de son grand-père maternel, Théodule Thiercy (1837-1930), veuf
depuis 1897. qui l'élève comme son propre enfant. Il reporte sur
lui toute la tendresse qu'il avait pour son propre fils, Léon, élève
au Lycée de Charleville. premier prix du Concours général,
mort à 20 ans en 1895. Né sous la Monarchie de Juillet, Théodule
Thiercy a traversé la IIe République et le Second Empire avant
de voir s'enraciner la IIIe République. S'il reste éloigné
du socialisme, ce vieux républicain n'en fait pas moins découvrir
Jean Jaurès à son petit-fils.
Gaston Thiébaut raconte comment son grand-père l'a
initié à la politique.
Quelques habitants du village, à cause de sa courte barbe blanche, de
son austérité et de son ardent républicanisme, l'appelaient
« le Vieux Blanqui ». Il n'était pourtant qu'un patriote
jacobin, admirateur de Gambetta, électeur et « supporter »
passionné de Charles Buvignier (1) et ami fidèle d'Emile
Lecourtier, conseiller général du canton de Charny, président
des comités républicains et père du futur sénateur.
Il est assez cultivé, lit beaucoup et adresse occa-sionnellement à
« L'Union Verdunoise » quelques mots d'écrit. Il appartient
à une famille républicaine. Un Thiercy, son oncle, est un des
rares manifestants qui, le 27 août 1850, lors de la visite du prince président
Louis Napoléon Bonaparte à Verdun, osa crier des « Vive
la République », déjà jugés subversifs, alors
que s'élevaient des acclamations de « Vive l'Empereur » pourtant
prématurées.
Un jour, il lui montre une brochure rouge que vient de lui remettre Arsène
Lallemand, l'instituteur. Son titre: « Pour la Laïque ». C'est
le discours que Jean Jaurès, le tribun socialiste, a prononcé
à la Chambre des Députés les 14 et 24 janvier 1910. Le
grand-père n'est pas socialiste mais le souffle généreux
qui anime l'orateur, la lucidité de sa pensée et l'éclat
de son verbe l'entraînent et l'émeuvent. Le petit-fils, lui, est
littéralement subjugué.
(1) En 1848, sous la IIe République. Charles Buvignier (1823-1902)
fut le seul des 8 députés de la Meuse à être républicain.
Il fut à nouveau député de la Meuse de 1881 à 1894
avant de siéger au Sénat de 1894 à sa mort.
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Portrait
de Mrs Horace Gray (née Jane Matthews)
Depuis des décennies, on entend
prononcer à Samogneux le nom de la bienfaitrice américaine des
années 20 qui a contribué au relèvement du village détruit
par la guerre, mais finalement, on sait peu de chose sur elle.
Aussi j’ai eu envie d’en savoir plus
sur cette énigmatique personne, et qui maintenant, je le sais, n’a
pas choisi Samogneux par hasard comme elle l’écrit à Henry
Frémont dans la lettre qu’il reçut le 17 décembre
1927, mais j’y reviendrai plus tard…
Et j’ai découvert beaucoup de choses
!
Il va s’en dire, que si avant moi, d’autres
personnes, avaient eu connaissance des informations que j’ai dénichées,
ici en France et aux Etats Unis où j’ai des contacts qui m’ont
aidé. Même Henry Frémont, qui était son correspondant
à Verdun, n’aurait pas manqué de rédiger quelques
articles dans la presse, dont il maîtrisait nombre de leviers, locaux
en tout cas.
Cette dame énergique au grand cœur,
avait été élevée, au sein d’une fratrie de
10 enfants, dans la religion presbytérienne, où le sens de la
charité n’est pas un vain mot.
Née à Glendale, près de Cincinnati
dans l’Ohio, le 18 Avril 1860, elle avait 9 frères et sœurs,
dont certains ont laissé une empreinte.
De
son vrai nom, Jane Matthews, elle était la fille d’un
Sénateur de l’Ohio, Juge à la Cour suprême des Etats
Unis. Thomas Stanley Matthews né
le 21 juillet 1824 à Cincinnati dans le comté d’Hamilton,
et décédé le 22 mars 1889 à Washington. Il avait
épousé Mary Ann Black, qui répondait au doux surnom de
« Minnie », née le 23 janvier 1821 à Maury Conty dans
le Tennessee, et qui décède
le 22 janvier 1885 à Washington, elle est enterrée au cimetière
de Spring Grove à Cincinnati près de son époux. Ils s’étaient
mariés très jeunes le 15 février 1843; Stanley avait 19
ans.
Parmi les frères et sœurs de Jane,
Jennie pour les familiers, on trouve sa petite sœur Eva Lee Matthews née
le 9 février 1862 à Glendale, qui, très jeune se consacra
beaucoup aux autres par le biais de l’Église épiscopale
à laquelle elle appartenait. Elle voyagea entre autre en Palestine. A
son retour, après avoir écrit un livre, elle fonda à Glendale
une congrégation religieuse : la Communauté de la Transfiguration.
La religieuse devint Sœur Eva Marie, elle décéda le 6 juillet
1928, causant un grand chagrin à Mrs Horace Gray sa sœur dont elle
était très proche.
Nous trouvons également, un frère,
qui lui, sera évêque : Paul Matthews, né le 25 décembre
1866, qui épousera Elsie Proctor, petite fille du fondateur du géant
industriel Proctor & Gamble, toujours aussi prospère de nos jours.
Monseigneur Paul Matthews était l’évêque
épiscopalien du New Jersey, il décédera le 17 janvier 1954
à Glendale.
Le père
de Jane, Juge à la Cour suprême des Etats Unis, était très
lié avec un de ses collègues, juge lui aussi, Horace Gray, célibataire
endurci, résidant à Boston.
Il proposa à son ami Horace, alors âgé
de 61 ans d’épouser sa fille Jane…32 ans
plus jeune ! Avant de disparaitre, il voulait voir sa fille mariée à
son ami. Malheureusement, il n’assistera pas au mariage le 4 juin 1889,
il décède le 22 mars 1889 à Cincinnati après avoir
été victime d’un refroidissement lors du glacial hiver qui
précédait. Il est enterré au cimetière de Spring
Grove à Cincinnati.
Jane
épousa donc Horace Gray le 4 juin 1889 à Washington. Horace était
issu d’une famille très riche de Boston, il perdit sa mère
jeune, il avait 6 ans. Il fit de solides études à Harvard entre
autre où il est entré à 13 ans. A 17 ans, diplômé,
il part pour l’Europe, voyager. Mais de mauvaises nouvelles le rattrapent
; des revers de fortune ont ruiné la famille.. Il rentre au pays, reprend
ses études de droits à la Harvard Law School, il obtient son diplôme
un an plus tard, ouvre son cabinet d’avocat et est admis au barreau de
Boston en 1851. A 26 ans il est nommé rapporteur des décisions
de la Cour Suprême, et devient ainsi le plus jeune à avoir jamais
occupé cette haute fonction. En 1864 il devient juge assesseur de la
cour suprême de l’état du Massachussetts, puis juge en chef
en 1873. Le 19 décembre 1881 le Président des Etats Unis, Chester
Alan Arthur le nomme Juge à la Cour Suprême.
Sa santé allant chancelante à partir
de 1894, il décide de ralentir son rythme de travail à partir
de 1896. En 1902 il est victime d’un accident vasculaire cérébral,
il donne sa démission le 19 juillet.
Il décédera le 15 septembre de
la même année à Nahant, près de Boston. Il est enterré
dans le cimetière de Cambridge dans le comté de Middlessex.
Pierre tombale de Horace Gray
Revenons à notre chère Jane
Matthews, devenue Mrs Horace Gray, veuve, sans enfant, mondaine, et
avec un « fort réseau », comme on dit en 2014, qui consacre
son temps et sa fortune au caritatif.
La première
guerre mondiale éclate, et les Etats Unis entrent dans le conflit officiellement
au printemps 1917. Dans sa logique d’entraide, Jane Gray se porte volontaire,
et, est à pied d’œuvre dès février 1915, en
France, comme beaucoup de riches américaines à l’époque,
dans le cadre de l'American Expeditionary Force (ou AEF). Sur sa demande de
passeport faite le 21 janvier 1915, figure comme motif : « relief work
», ce qui signifie, travail humanitaire..
Elle servit d’abord dans un hôpital
militaire français, situé en Bretagne, à Perros Guirec
-Trestraou, HA n° 10, installé à l’hôtel de la
Plage, 140 lits. Elle fit le choix de servir au sein de la S.B.M, Société
de Secours aux Blessés Militaires. Puis elle se rapprocha du front, pour
prendre la direction d’un hôpital.
Mrs
Horace Gray en Janvier 1915
Depuis 1906 Mrs Horace Gray a effectué
de nombreux voyages à travers le monde; Japon, Chine, Hong-Kong, Inde,
Egypte, Constantinople, Italie (Florence), France, Grande Bretagne, Espagne,
sa première demande de passeport date de 1905. Ces documents portent
le nom de Jane Gray. Le 29 avril 1922, elle part du port de New York, vers le
Havre, pour faire des cures de repos à Pau.
En octobre 1926 son périple touristique, la mène
à Verdun pour visiter le champ de bataille, mais déjà sans
doute avec Samogneux dans la tête, pour une raison que j’évoquerai
plus loin… dans sa quête d’ouvrages sur Verdun, elle découvre
le livre du Père Barnabé, personnage fictif du village de Samogneux.
Elle décida de se rendre à Samogneux,
pour appréhender la situation. Arrivée sur place et souhaitant
rencontrer le maire, Mr Jacques, celui-ci se révéla être
absent. Qu’à cela ne tienne, elle aborda une femme du lieu, qui
accepta de faire le guide, à l’époque le village n’était
constitué que de baraquements, type Adrian, et situé à
la sortie sud du bourg actuel, juste en face du cimetière.(voir le
chapitre des Cartes Postales Anciennes)
Seules quelques nouvelles constructions, étaient
en cours au milieu des ruines en partie dégagées.
Mrs Horace Gray remercia la dame, lui remit 100 frs pour sa peine… sa
générosité commençait à se manifester.
La découverte la veille du livre du Père
Barnabé et la visite des lieux, lui inspirèrent une idée
lumineuse… mais d’entreprise, comme savent le faire les américains
!
Après la lettre reçue par Mr Frémont
le 17 décembre 1926 (lire plus haut), elle mettra sur pieds une organisation
solide et payante…faire traduire en américain, le Père Barnabé,
promouvoir sa diffusion aux Etats Unis, afin que le fruit des ventes soit rétrocédé
à l’association, loi 1901 de relèvement de Samogneux, «
l’Oeuvre franco-américaine de Relèvement du village de Samogneux
» (J.O n°247 du 12 octobre 1927).
La traduction se fera fin 1926 à Pau par
Jennie elle-même, qui se repose et est en cure, avec l’aide d’une
traductrice, Mlle Nina Flandé, les épreuves traduites et corrigées
faisant le va-et-vient entre Verdun et Pau par la poste, jusqu’au bouclage.
Les ouvrages ainsi traduits, avec contrat, stipulant
expressément par exemple, en accord avec la Société des
Gens de Lettres, qu’aucun droit d’auteur ne fût perçu
aux Etats Unis, commencèrent à être imprimés par
l’imprimerie Frémont à Verdun.
En mai 1927, les premiers ouvrages pour le marché
américain sont prêts à être embarqués au Havre
dans 3 caisses. Départ le mercredi 18 mai à bord du paquebot postal
« Savoie », qui effectue un de ses derniers voyages sur la ligne
de New York, avant sa démolition le 25 novembre 1927…
En juillet 1927, un premier chèque de 25 542,80 Frs arrivait de Boston.
En août
1927, une autre américaine, se dévouant pour Verdun, elle, Miss
Sibley, connaissant bien sûr sa compatriote et son action, fit un don
de 1 000 Frs à l’œuvre de Samogneux, (un peu plus de 600€
de 2014, le prix du Kg de pain en 1927 était d’environ de 1,60
Fr).
En 1929 une visite est faite à Samogneux,
par une nièce de Madame Horace Gray, accompagnée de son mari,
Jane Cleveland Bloodgood. Ces visiteurs américains, envoyés par
leur tante, à l’occasion de leur excursion sur le champ de bataille,
venait voir l’avancement des travaux dans le village.
Ils étaient accompagnés de Mr Frémont,
qu’ils avaient pris au passage à Verdun. Ils firent le tour du
village en compagnie de Mr Germain Albert, le maire du moment, qui les emmena
jusqu’à la passerelle en bois permettant de franchir la Meuse,
et construit dans la nuit du 7 au 8 octobre 1918 par le 17éme corps du
génie américain, et qui, 10 ans plus tard présentait de
sérieux signes de fatigue.. et allait bientôt être remplacé
par un pont en béton à deux arches et non en pierre comme l’avait
envisagé Mrs Horace Gray (d’où l’anecdote à
propos de son mécontentement et incompréhension sur le choix du
matériau, moins couteux, 600 000 Frs, au lieu de plus de 1 000 000 frs
en pierre de taille). Ils firent une station sur le futur emplacement de la
statue du Père Barnabé, c’est-à-dire au pied de l’ancienne
église, au bord de la route nationale. Les touristes parlaient parfaitement
français, et satisfaits de leur périple, repartirent vers la tranchées
des baïonnettes.
C’est sans doute lors de cette journée
que notre visiteuse pris contact avec le sculpteur Gaston Broquet pour lui passer
une commande particulière..
En effet Mrs Jane Cleveland Bloodgood,
nièce de Mrs Horace Gray était aussi la sœur
de Stanley Matthews Cleveland, aumônier, chapelain dans
le 307° Régiment d’Infanterie de la 77° Division de l’armée
américaine (AEF), blessé grièvement dans le Bois de Samogneux
en octobre 1918 et rapatrié sanitaire aux Etats Unis, elle aussi se garda
bien d’évoquer ce détail, ce qui n’aurait pas manqué
d’être aussitôt mentionné dans la presse. Mais dans
l’article relatant sa visite, il est simplement précisé
qu’elle est la nièce de Mrs Horace Gray..
Voilà quel était donc la vraie raison
de l’intérêt pour Samogneux de cette américaine. Paradoxalement
ce fut une aubaine pour le village.
Mrs Horace Gray en 1920
Lors de l’AG et de la
constitution de l’association de l’Œuvre de relèvement
de Samogneux à la Préfecture de la Meuse à Bar le Duc,
le lundi 26 Septembre 1927, Mrs Horace Gray a signalé
avoir un budget particulier, un don spécial, pour faire construire une
auberge au nom du Père Barnabé et ériger un calvaire en
souvenir d’un chapelain américain, qui « avait joué
au cartes sur le territoire de Samogneux » et avait été
grièvement blessé sur ce même théâtre, victime
de son dévouement, et qui était mort aux Etats Unis. Il est décédé
chez lui le 25 septembre 1926..
Elle a donc évité de signaler que
ce chapelain, était en fait son neveu, le fils de sa sœur Grace
Elisabeth née le 18 juin 1864 à Glendale, mariée
à James Harlan Cleveland né le 21 janvier 1865 à Francfort
dans le Kentucky et décédé le 24 décembre 1906 à
Glendale.
Donc, lors de la visite de la sœur du chapelain
à Samogneux en 1929, visite fut faite à Gaston Broquet, connu
de Mrs Horace Gray pour le projet du monument aux morts de
Samogneux, pour qu’il réalise une sculpture que la mère
du chapelain, Grace Elisabeth Cleveland, commandait, à
l’effigie de son fils, pour l’offrir au village qui l’exposerait
dans la future église, ce qui fut fait. Ce bronze, assez coûteux,
était en fait financé par ce fameux « don spécial
», fait par sa propre sœur, Grace Elisabeth..
Ce style de sculpture était très
à la mode en Amérique à cette époque et avait été
initié par le sculpteur Augustus Saint Gaudens, d’origine française
; d’Aspet, au Pays Basque. Beaucoup de gens importants et fortunés
se faisaient faire ce genre d’ouvrage, la femme du juge Matthews elle-même
en a fait réaliser un, précisément par Saint Gaudens.
Le
bronze de Samogneux, 62 x 32,5, signé Gaston Broquet, est toujours visible,
à ce jour, dans l’église, au mur à gauche, avant
le chœur.
Pour en revenir à ce neveu de la bienfaitrice,
il était né le 1 avril 1889 à Glendale, dans l’Ohio,
a épousé Marian Van Buren à New York le 17 avril 1915.
De cette union devait naître le 19 janvier
1918, Harlan Cleveland, qui deviendra un grand diplomate, secrétaire
d’état du Président Kennedy. Il a été l’ambassadeur
du Président Johnson à l’OTAN, écrivain, président
de l’Université d’Hawaï, entre autres.
Il fit toute sa
scolarité en Suisse, et pratiquait le français couramment, il
est décédé le 30 mai 2008 à Sterling en Virginie.
Harlan
Cleveland 1918-2008
En mai 1931, l’une des deux cloches de l’église
de Samogneux, eut pour marraine, comme c’est la tradition, Madame
Horace Gray, Jane, on peut lire sur la cloche:
« Je m’appelle Samogneux - Jane.
J’ai été fondu en 1931 pour la commune de Samogneux. M.
Albert Germain étant maire. Mgr Ginisty étant évêque
de Verdun et M. l’abbé Bonne curé desservant la paroisse.
J’ai eu pour parrain la commune de Samogneux et pour marraine la bienfaitrice
américaine de cette commune, Mrs Horace Gray. Saint Rémy- Sainte
Jeanne d’Arc. »
La seconde cloche porte les inscriptions suivantes:
« Je m’appelle Sébastienne Juliette
Marie Eugénie. J’ai été fondu en 1931 pour la commune
de Samogneux. M. Albert Germain étant maire. Mgr Ginisty étant
évêque de Verdun et M. l’abbé Bonne curé desservant
la paroisse. J’ai eu pour parrain le capitaine Balon Thiébaux,
Chevalier de la Légion d'Honneur et pour marraine Mme Hance Louis, née
Harmand Juliette. Saint Sébastien - Saint Michel. »
En août
1932 Madame Horace Gray, Jane Gray, est faite Chevalier de
la Légion d’Honneur, eu égard à son implication financière
dans la reconstruction de Samogneux et les nombreuses améliorations communales
qui furent réalisées. (décret du 6 août 1932,
pris sur proposition du ministre des affaires étrangéres)
Par la suite ses visites à Samogneux, cessèrent.
Elle décèdera
le 05 Juin 1949 dans sa propriété, au 79, Mount Vernon Street
à Boston, à l’âge de 89 ans. Elle sera inhumée
le 07 juin, dans le même cimetière que son époux, Horace
Gray, à Boston ; le cimetière du Mont Auburn.
Sa tombe se trouve éloignée de celle
de son mari, de plusieurs centaines de mètres… un de mes contacts,
suite à nos échanges, vient en novembre 2014, de faire le nécessaire
pour que d’un point de vue enregistrement, les deux sépultures
soient associées, idem sur le site Internet dédié aux recherches
de tombes aux Etats Unis. J’en ai été avisé et cela
m’a pleinement satisfait.
Pierre
tombale de Mrs Horace Gray, Jane Gray
(plot 68 Hemlock Path)
Inscription:
Jane Gray wife of Horace Gray Interred June 7, 1949
Le voile est définitivement levé
sur cette femme, dévouée et discrète, son intérêt
particulier pour Samogneux est clairement établi maintenant.
Aujourd’hui encore, fin 2014, au moment
où sont écrites ces lignes, Mrs Horace Gray, Jane Gray, continue
à se manifester symboliquement à Samogneux, tout au long du temps
qui passe depuis 1931.. car tout le monde au village ignore et ignorait, que
quand l’horloge de l’église de Samogneux sonne les heures,
les demi-heures, c’est Jane la cloche, qui sonne ! Rappelant ainsi aux
villageois qui l’ont laissé tomber dans l’oubli, qu’elle
traverse toujours le temps auprès d’eux.
Depuis très peu de temps, en 2010, et sur
suggestion de ma famille auprès de la municipalité, une voie de
circulation, enfin, porte son nom ; rue Mrs Horace Gray, anciennement Chemin
de Beaumont, rejoignant la nouvelle rue Jacques Lecointe, mon père et
ancien maire du village.
Sources : Bulletin Meusien ; Find a grave, Ancestry, archives personnelles.
Remerciements : Ralph Hopp maire de Glendale en Ohio & ses collaborateurs
Joanne, Mike d’origine française, Ginny de
Spring Valley Etat de New York, pour son intérêt au sujet, ses
interventions auprès du cimetière de Boston et les
photos de Sharon Lavash Hawkins d'Arlington dans le Massachussetts.
Monument élevé
en 1933, le socle en pierre calcaire où sont gravés les noms des
morts par le faits des guerres a été construit par Bourgine et
la statue en bronze a, elle, été sculptée et fondue par
Gaston Broquet. L’ensemble fut financé grâce à la
générosité de l’Oeuvre franco-américaine du
Relèvement de Samogneux d' Henri Frémont de Verdun, de Miss Horace
Gray de Boston à hauteur de 22 000 francs et en coopération avec
la Principauté de Monaco, pour la somme de 20 000 francs, soit un total
de 42 000 francs. ( source: Le bulletin Meusien)
La statue représente un fantassin français
s’empressant de s’équiper de son masque à gaz (MCG,
baptisé ARS Appareil Respiratoire Spécial) suite à une
alerte aux gaz, d’où son nom : “ L’alerte aux gaz”
. Il maintient à l’aide de son genou gauche et dans le creux de
son coude droit, son son fusil LEBEL d’infanterie Modèle 1886.
Dans les années 80, un vandale s’est permis de désolidariser
l’arme de la statue et de la subtiliser.
En
2004… la municipalité a fait la restauration du monument pour réparer
cet outrage; la représentation d’un fusil, malheureusement
peu conforme à l'original...est de nouveau en place.
o-o-o-o-o-o-o-o-o-o
2014
LE MONUMENT DE LA HONTE !
"Un monument commémoratif austro-hongrois
a été inauguré le 14 juin 2014 à Samogneux, au nord
de Verdun", titre l'ER, journal local.
Me rendant à Samogneux ce mois d'août 2014, j'attendais
de voir cette "honte" avant de juger et de m'exprimer. C'est chose
faite.. c'est bien une honte! J'étais au courant du
projet depuis 2 ans maintenant, cela restait confidentiel et il ne faisait pas
du tout l'unanimité dans la communauté de communes et aurait même
pu avorter.
Il faut savoir que celui qui accepté, à savoir
le maire, n'a pas de culture sur l'histoire de France, ni de Samogneux, la guerre
de 14..., ah!? Il y a même eu des soldats français qui ont perdu
la vie ici pour défendre et reprendre ce village, ah bon! ça alors!
C'est tout simplement scandaleux, trahir nos poilus ainsi,
cracher sur leur sacrifice, honorer l'ennemi et bafouer la décoration
de la Croix de guerre avec citation à l'ordre de l'Armée décernée
à Samogneux .. pour ses souffrances endurées à cause de
"l'Allemagne et de ses alliés" ( c'est le libellé exact
affiché dans la mairie..).
A quelques dizaines de métres de là, se
trouve la tombe d'un officier français, un des principaux artisans de
la reprise de Samogneux, qui a perdu la vie à l'issue de sa mission accomplie,
le village, ou ce qui en restait, enfin de nouveau aux mains des français..aprés
1 an et 1/2 aux mains des boches, ou leurs alliés et qu'on honore aujourd'hui
avec écharpe tricolore (bleu, blanc, rouge...)
Le rôle éminent du capitaine Juhanahandy dans
la reconquête de Samogneux le 21 août 1917 au soir, dont je connais
en détail l'action et la vigueur ce jour-là, ce rôle et
sa mort ce soir là à l'issue des opérations, est balayé
par cet étron ennemi érigé à 200m de sa sépulture
en ruine et si peu mise en valeur, là on a pas de sous! Les bénévoles
font ça très bien...
Les forums sur Internet s'en donne à coeur joie pour
fustiger cette opération "saumono austro hongoise", je cautionne,
certains qualifient même les gens de Samogneux de collabos tardifs, c'est
dire! Quant aux élus locaux présents le jour de l'inauguration,
dont j'ai appris que certains étaient mal à l'aise, ne se sont
pas honorés ce jour-là. Beaucoup n'ont pas encore pris la mesure
de cette forfaiture. La pseudo amitié entre les peuples a bon dos, une
commémoration raméne toujours dans le contexte d'alors, nos armées
contenant ou repoussant le boche chez lui, car il n'était pas chez lui...en
tout cas moi et d'autres on n'oublie pas !
Il est à noter aussi, que pour cette "inauguration" aucun habitant
n'a été informé et à fortiori convié...
Petite anecdote locale non connue, liée à l'endroit!
Sur cette aire de pique-nique, à 2 m de cette affront à nos poilus,
il y a une borne Vauthier, un soldat allemand tué en 1940 lors de l'invasion,
était enterré pile à l'emplacement de cette chose. On
peut voir une photo sur Internet où un de ses camarades, avec son vélo,
se trouve prés de la tombe. En 1941, ma mére alors âgée
de 11 ans, rentrée d'évacuation, se promenant avec une de ses
amies du même âge et du village, se sont retrouvées prés
de la tombe, la copine instinctivement a fait le signe de croix.. ma mère
lui fait remarquer qu'il s'agit d'un boche.. la copine a aussitôt "défait"
son signe de croix en le refaisant à l'envers....
J'ai eu l'occasion ce mois d'août de m'entretenir avec
quelques habitants, du sujet, la méconnaissance totale des événements
historiques et de ma position les ont interpellés, il y a même
un membre du conseil municipal qui m'a répondu: "c'est pas sur le
terrain de la commune, on s'en fout"... c'est à tomber à
la renverse, l'édification d'une bloc sanitaire à cet endroit
aurait eu le même impact, mais aurait été plus utile sur
cette aire de repos.
On a pas à honorer la mémoire de l'ennemi,
le boche a ses cimetière pour ça, et c'est suffisant, on est pas
allé les chercher. D'autre part, beaucoup semblent oublier que les autrichiens
sont à l'origine du conflit, l'attentat de Sarajevo contre l'archiduc
concernait directement l'Autriche, de manière plus triviale; c'est eux
qui ont foutu la m...!
Ma vision des choses n'a pas
à être mis en paralléle avec des restaurations de vestiges,
comme par exemple la sculpture allemande sur le mur du cimetière de Sivry,
datant de l'occupation il y a 100 ans.
Pendant qu'on y est, pourquoi ne pas ériger une stéle
à Vacherauville au général von Stülpnagel qui, rentrant
en Allemagne sur convocation, aprés l'attentat manqué contre Hitler,
le 27 juillet 1944, s'est simplement estropié en se tirant une balle
dans la tête, au bord de la Meuse, là où il avait combattu
lors de la premiére guerre?
Ce sujet ne mérite aucune photographie sur mon site!
J'en renvoie certains sur un forum enflammé
sur le sujet.. http://pages14-18.mesdiscussions.net/pages1418/Pages-d-aujourd-hui-actualites-14-18-commemorations/hommage-anciens-ennemis-sujet_3221_1.htm
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