Jusqu’à la première
guerre mondiale, puis de 1918 à 1935 et de 1940 à 1959, le franchissement
de la Meuse pour aller de Samogneux à Régnéville s’effectuait
à l’aide d’un bac transbordeur. Ce dispositif a été
décidé en haut lieu en 1884 et validé par parution au Journal
Officel le 01 Janvier 1885, en ces termes: "Etablissement d'un
bac pour voitures, sur la Meuse, entre Regnéville et Samogneux, 926 fr
82 centimes"...
Ce bac, relié par une aussière, qui coulissait sur un cordage
ou un câble tendu en travers de la Meuse arrimé fortement sur chacune
des rives était manœuvré par un passeur. Un des poteaux d’arrimage
du câble est toujours visible sur la rive sud de Régnéville
à quelques mètres du pont actuel. Le passeur était un habitant
de Régnéville, au début du XXéme siécle,
Monsieur Eloi Gérard.
Le personnage était remarquable, par son physique, impressionant, d'immenses
moustaches qu'il s'amusait à passer au dessus de ses oreilles jusqu'à
l'arriére du crâne...il portait aussi une chevelure abondante jusque
sur les épaules. Ma mére l'a un peu connu dans les années
1930, et m'en a un peu parlé car elle était enfant et le craignait..!
Le bac pouvant embarquer un attelage agricole ou des bovins et bien sûr des passagers était propulsé par le passeur à l’aide d’une perche qu’il plantait sur le fond de la rivière et poussait. Il accostait et selon l’état du terrain, par exemple par temps humide ou en période de petites crues, il avait la possibilité à l’aide d’un treuil cabestan de raccourcir ou d’allonger sa aussière et ainsi de se positionner en aval ou en amont du débarcadère. En cas de fortes crues de la Meuse le transbordement était impossible, ce qui impliquait des soucis sur la vie économique locale.
Le dimanche 6 décembre
1914, le s/lieutenant Boiron du 9éme Régiment du Génie
de Verdun, cantonné à Samogneux, s'est rendu à Bras/Meuse,
avec la 11° escouade, chercher du matériel de pontage, type 1901.
Ce matériel a été acheminé par voie d'eau jusqu'à
Regnéville. Aprés extraction de la Meuse du bac de Monsieur Gérard,
les sapeurs pontonniers, que l'on reconnait à leurs képis noirs,
construisirent une "portiére" de bateaux type 1901, en principe
3 ou 4 bateaux, selon le besoin, et établirent une traille (jmo 9°RG).
Cette portiére qui, d'ordinaire, constitue un des éléments
de pont assemblés bout à bout, pour joindre une rive à
l'autre, a servi de bac transbordeur. Sur cette photo ci-dessous on distingue
la rive de Samogneux.
En 1916, la région a été ravagée
par la guerre, la population ayant été évacuée,
seuls les militaires pouvaient éprouver le besoins de franchir la Meuse.
C’est en fait l’armée américaine arrivant en 1918,
par la rive gauche, de l’Argonne, qui fit construire par ses pionniers
du génie, une passerelle en bois montée sur des pieux enfoncés
dans le lit de la Meuse, dans
la nuit du 7 au 8 octobre 1918 par le 17éme corps du génie américain.
Cette passerelle permettait tout au plus de faire passer des hommes ou quelques
animaux disciplinés à la queue leu leu…Elle se situait en
aval du pont actuel, là où la Meuse n’est pas très
profonde.
Après la guerre, elle est demeurée ainsi, sans être spécialement
entretenue, faisant quelque peu concurrence au passeur qui avait repris son
activité qui n’était pas gratuite bien sûr.
En septembre 1930, pour la préparation de l’inauguration
du village de Forges reconstruit, on trouve dans un article de presse locale,
des conseils pour les invités aux festivités, dont voici un extrait
:
…Il faudra éviter d'emprunter le raccourci par Regnéville,
car le pont en bois construit, en 1918, par les Américains pour franchir
la Meuse à hauteur de Samogneux, donnent des signes de faiblesse…
D'autre part, les pluies incessantes de ce début septembre ont transformé
le chemin de Regnéville à Forges en véritable bourbier.
D'ailleurs, la Meuse est en crue. Les eaux ayant submergé les prairies
emporteront les tas de regains qui ne sont pas rentrés...
Des discussion entre les communes
concernées par la construction d’un véritable pont en dur,
comme Régnéville, Forges et Samogneux, étaient entamées.
Pour ce qui concerne la participation financière de Samogneux, une partie
importante a été prise en charge par l’Oeuvre de relèvement
de Samogneux à hauteur de 100 000 francs. Le reste du financement était
constitué par des subventions du Département, de l’Etat,
les communes de Forges et Régnéville.
L’architecte Marcel Delangle du Service des Monuments Historiques, a été
choisi pour l’étude et la réalisation de l’ouvrage
en collaboration avec les services des Ponts et Chaussées. Le pont a
été édifié à partir de 1931 entre le bac
et l’emplacement de la passerelle américaine qui disparut définitivement.
Le pont à deux arches muni de rambardes garde corps métalliques
à croisillons pour les trottoirs, a été inauguré
le 6 octobre 1935.
Cet ouvrage a rempli son office très peu de temps, en
effet la guerre est de nouveau d’actualité.
En 1940, l’armée
française stationnée dans les environs depuis quelques temps,
avec des comportements plus que discutables à l’égard de
la population, en particulier à Samogneux, a miné le pont. Comme
il est facile de l’imaginer, ce pont ayant une valeur hautement stratégique…il
a volé en éclats ainsi que celui de l’écluse par
la même occasion le 12 juin 1940 et le Pont du Prillon, qui lui, ne menait
que dans les prés….
Le bac a donc repris du service à cette époque mais sous une forme
moins pratique. Le métier de passeur faisant partie d’un temps
révolu, il n’y eut plus qu’une simple barque avec le même
principe de fonctionnement, sauf que la aussière n’était
pas réglable et qu’il fallait manœuvrer soi même l’embarcation.
Beaucoup utilisèrent le câble ligne de vie pour se haler à
la main vers l’autre rive et quelques doigts sectionnés par la
poulie de la aussière sont tombés à la Meuse à la
grande joie des brochets nombreux dans ces eaux.
La famille Jacq en expédition...sur la Meuse en 1957; à l'avant Robert Jacq, tenant le cable Marie-Claire Jacq, assise sur le plat-bord Christiane Jacq, à l'arriére plan en gilet clair Claudine Jacq, accoudé au garde corps Pierre Jacq |
En 1957 les discussions concernant la reconstruction du pont
allaient bon train. Une décision de l’administration, sous la pression
d’élus : les maires concernés, du conseiller général
Gérard Biévelot, du député André Beauguitte,
l’homme au nœud papillon, fut prise d’installer provisoirement
un des deux éléments parallèles du pont Fernand Legay de
Verdun, lui aussi détruit au début de la guerre et en cours de
reconstruction. Le second élément a été installé
quant à lui, à Champneuville.
Les éléments métalliques de ce pont type Pigeaud ont été
démontés et transportés à Samogneux. Les entreprises
Jean Chaize et Mazaud ont reconstruit les deux culées et la pile centrale,
les voies d’accès ont été effectuées par les
Ponts et Chaussées, puis le remontage des éléments métalliques
du pont a été effectué.
Le lancement du pont s’est effectué en février
1958, le sol fortement gelé facilitait les manœuvres des engins
de traction et poussée. Les accès et le tablier ont été
bétonnés et goudronnés, le métal a été
peint, à l’époque la couleur choisie était un gris-bleu,
la mise en service s’est faite très rapidement à la grande
satisfaction de la population, le bac a cessé son existence.
L’ouvrage provisoire a été inauguré
le 24 septembre 1960 ainsi que le pont du Prillon, reconstruit en béton,
tel qu’on peut le voir actuellement, par les même entreprises.
La cérémonie s’est déroulée sur la rive de
Samogneux, sous la présidence du député maire de Verdun
et conseiller général de Montfaucon, André Beauguitte,
en présence du maire de Samogneux, Jacques Lecointe, de Régnéville,
Marcel Robert, Messieurs Madoux, vice-président du conseil général
de la Meuse,
Gérard Biévelot conseiller général du canton de
Charny, quelques maires des communes environnantes, les deux ingénieurs
des Ponts et Chaussées, Martin et Ogier, les deux entrepreneurs maîtres
d’œuvre, Chaize et Mazaud, madame Nelly Maillard institutrice à
Samogneux et son mari Claude, qui ont tous deux, apporté leur concours
à l’organisation de cette journée et bien sûr une
foule importante de riverains et badauds.
Et depuis maintenant plus de 40 ans ce pont provisoire assure,
mais de moins en moins bien, la liaison entre les deux rives de la Meuse. Il
a été repeint une première fois, de la couleur verte que
nous connaissons actuellement, ce qui laissait à penser que cet ouvrage
devrait provisoirement durer encore longtemps…
Actuellement, en 2004, et depuis plusieurs années, ce pont à voie
unique, de moins en moins adapté à la circulation de véhicules
est l’objet de polémiques interminables entre les élus locaux
qui discutent ferme et certaines instances territorales ou gouvernementales.
Il n’y a qu’à lire la réponse faite
par le ministre délégué aux libertés locales lors
de la séance du 8 avril 2003 au sénat, pour s’en convaincre.
A la question n° 186 sur le
sujet de la reconstruction des ponts détruits par faits de guerre dans
le département de la Meuse , voici la réponse :
...M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales.
Monsieur
le sénateur, sur la base d'un rapport déposé devant le
Parlement en janvier 2002, qui faisait le constat de la désuétude
du dispositif mis en place en 1946 pour la reconstruction des ponts détruits
par faits de guerre, la loi de finances rectificative pour 2002 a abrogé
ce dispositif, comme vous l'avez rappelé.
Il apparaissait en effet nécessaire, près de soixante ans après
la Seconde Guerre mondiale, de mettre fin à un dispositif exceptionnel,
qui avait été mis en place, à l'origine, pour remédier
rapidement aux situations locales les plus difficiles du fait des conséquences
de la guerre, en faisant appel à la solidarité nationale. Ce dispositif
exceptionnel n'a ainsi plus lieu d'être aujourd'hui.
Dans un souci de solidarité, il a toutefois été décidé,
avant d'abroger le dispositif, de financer dans les conditions mises en place
en 1946, treize ponts sur les vingt-cinq restant à reconstruire, dont
l'utilité apparaissait la plus importante. Ces ponts sont donc financés
par l'Etat à hauteur de 100 % du coût de reconstruction. Les crédits
ont d'ores et déjà été délégués
pour un montant global de 4,7 millions d'euros.
Concernant le département de la Meuse, quatre ponts ont été
identifiés dans le rapport précité. Toutefois, comme vous
l'avez rappelé également, seul le pont de Quincy-Landzecourt a
été financé, pour un montant de 609 796 euros.
Les trois autres ponts du département de la Meuse, qui n'ont pas été
jugés prioritaires, ont ainsi vocation à être financés
par les voies de droit commun, telles que la dotation globale d'équipement.
Monsieur Biwer, je vous reconnais le mérite de la persévérance,
mais je veux vous dire que les caisses de l'Etat ne sont pas inépuisables.
Par conséquent, il appartiendra, conformément à la loi,
aux commissions d'élus locaux, chargées de fixer les priorités
d'utilisation de la dotation globale d'équipement, d'apprécier
l'opportunité de retenir de telles opérations au regard des différentes
priorités locales.
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M.
Claude Biwer. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse
directe, même si elle ne me rassure évidemment pas. En effet, sur
les vingt-cinq communes concernées, une douzaine seulement ont pu obtenir
satisfaction. Comment les autres vont-elles pouvoir s'en sortir ? La DGE, on
le sait, n'est pas susceptible de répondre aux colliquations de l'ensemble
de nos collectivités.
Mars 2005
L’espoir renaît !!..
Ça
y est…le fruit mûrit bien…Après avoir été
remis à la lumière par le talentueux et dynamique sous-préfet
de Verdun, Monsieur Armand, le dossier du pont de Samogneux sur la Meuse, mis
au placard par son prédécesseur…refleurit cette année
2006 ; les fleurs prometteuses, les subventions indispensables à ces
futurs travaux, sont acquises en totalité.
La pugnacité de Jean-Marie Addenet, maire
de Samogneux, et sa persévérance sont sur le point d’être
récompensés. Ne minorons pas les interventions passées
d’élus locaux, comme par exemple de Monsieur Biwert, au sénat,
celles de Monsieur Cordonnier 1° vice-président du Conseil Général
du canton de Montfaucon et dernièrement le 02 mai 2006 à l’Assemblée,
de Monsieur le député Jean-Louis Dumont. Mais il faut bien admettre
qu’à l’échelle de cette petite commune, ce dossier,
ce serpent de Meuse… est d’importance et est un sujet de conversation
épineux et récurrent depuis plus de cinq décennies dans
le secteur.
Ces derniers mois, enfin les discussions ont abouti.
Le montant du projet de reconstruction du pont en maçonnerie, s’élèverait
à 800 000€ HT.
Pour couvrir cette dépense, différentes
entités gouvernementales et territoriales ont accepté généreusement
de contribuer de la manière suivante :
L’Etat |
210
000€ (dont 50 000€ du Ministère de l’intérieur qui a créé une ligne exceptionnelle) |
Le
conseil Général |
210 000€ |
La
CODECOM de Varennes et Montfaucon |
42
500€ |
La
CODECOM de Charny |
42 500€ |
La
commune de Samogneux |
42 500€ |
La
commune de Régnéville |
42 500€ |
Le
Conseil Régional de Lorraine |
210 000€ |
Et voilà ! été 2009 les travaux sont entrepris, le pont en béton construit par l'entreprise Berthold de Dieue, va bientôt permettre la desserte de la rive gauche, et de franchir la riviére sans faire le détour par Consenvoye.
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